Venu d’Outre-Atlantique dans le sillage de la pandémie Covid-19, « the Big quit » est un imposant phénomène de démissions professionnelles qui a commencé en juillet 2020.
La 6ème vague de la pandémie prend une forme inattendue.
Un phénomène de départs volontaires de grande ampleur
Les démissions atteignent désormais un taux records au États-Unis (plus de 38 millions de démissions de salariés en 2021, dont 40% n’avaient pas de plan B). En France, les études de la DARES (Ministère du travail) mettent en évidence une augmentation du volume de démissions et de ruptures conventionnelles en 2021.
Caractérisée par des vagues de départs volontaires, la "Grande Démission" est un mouvement de fond qui traduit le désir de retrouver du sens et de l’épanouissement au travail. Les salariés sont de plus en plus sensibles au climat dans leur entreprise et aux situations grippées, ils expriment un besoin de cohérence, de reconnaissance, et une souffrance face à une charge de travail écrasante.
Loin d’être le signe d’un manque d’engagement, la Grande Démission est l’indicateur d’un changement profond. La pandémie a changé le rapport au monde du travail et à la vie, le monde professionnel qui s’en vient est celui du réveil, celui où l’on a pris conscience qu’il existe des entreprises avec une politique RH avisée, respectueuse et basée sur la confiance. La qualité de vie au travail ainsi que le bien-être au travail sont des sujets plus que jamais d'actualité. Les "démissionneurs" marquent leur désaccord avec des pratiques managériales d’un autre temps et font valoir leur liberté de choix.
Reflet d’un changement générationnel et culturel, la tendance Quitmyjob est l’expression sans complexe d’un ras-le-bol et d’un désir d’opérer un virage professionnel. Il devient de bon ton d’assumer cette volonté de changement et de crier haut et fort : I dit it!
Le BigQuit, conséquence directe de la pandémie Covid-19
La pandémie a été un révélateur, amplifiant un malaise présent depuis longtemps et un ressentiment face à certaines habitudes managériales. Sont toutefois directement liés à la crise sanitaire plusieurs phénomènes qu’il est nécessaire d’appréhender en cette période de forte mutation du monde professionnel.
Un repli sur soi
La stratégie sanitaire a induit une dégradation de la santé mentale et physique. Confinements, distanciation sociale et télétravail ont généré un repli sur soi. L'explosion des temps d'écran a aggravé les dangers liés à la sédentarité dont les répercussions physiques et psychologiques sont bien connues. Tout cela se manifeste par un insidieux mélange d’apathie, d’anxiété, et de fatigue mentale. La conséquence coule de source : les décrochages professionnels et scolaires ont explosé.
Apathie, anxiété, fatigue mentale
L’adoption du costume-pyjama, de rythmes plus lents, ainsi que l’avènement du bureau-salle à manger ou du bureau-grenier ont permis de découvrir l’essentiel dans le presque rien, dans les petites choses de la vie quotidienne.
Le sociologue Jean Claude Kaufmann décrit le besoin d’aller vers une quête de douceur chez soi et de s’éloigner du cadre strict vers une certaine forme de mollesse.
Un besoin d’autonomie et de flexibilité
Après avoir adapté durant 2 ans l’aménagement de leur temps et de leur espace de travail, les salariés sont en demande de souplesse et de bien-être professionnel, et expriment un besoin plus important d’indépendance, d’autonomie et de confiance.
Trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est une tendance de fond marquée. Nombreux sont ceux qui souhaitent une adaptation des horaires, et qui aimeraient disposer d’espaces de travail flexibles et hybrides en partageant leur temps entre télétravail et présentiel dans l’entreprise.
Une lassitude vis-à-vis de certaines pratiques managériales
Les salariés que nous accompagnons expriment actuellement de façon accrue une lassitude vis-à-vis des défaillances du management, avec des consignes parfois cruellement déconnectées de la réalité du terrain ou des discours ambigus qui plongent les salariés dans l'incertitude.
Paradoxalement le repli sur soi s’est accompagné d’une plus grande visibilité sur les conditions de travail des autres salariés, essentiellement via les réseaux sociaux. Ainsi on a pu faire du benchmark sur la gestion du télétravail, l’autonomie et la flexibilité accordées par les autres entreprises, la vision et les valeurs portées par telle ou telle organisation.
Une irrésistible envie de changement
Ce temps de recul et d’introspection chez soi a souvent réactivé des envies latentes d’autre chose ou d’ailleurs. Nombreux sont les salariés en questionnement, démotivés, en quête de sens, de transparence et de justice. Ils ont besoin de renouveau, de changer de cadre, de faire autre chose.
Nous notons dans nos accompagnements une nette augmentation des projets de reconversion professionnelle, d’envies de se mettre en free-lance ou de devenir « slasheur » (cumul de plusieurs emplois). Le changement d’entreprise ou la mobilité interne ont également le vent en poupe.
Un besoin d’utilité et de simplification des process
Pour organiser le télétravail, les entreprises ont amplifié la mise en place de systèmes d’information et de gestion des activités. Face à cela, les salariés expriment un besoin de simplification et d’utilité. Ils témoignent de leur mécontentement face au développement de tâches périphériques éloignées de leurs missions principales.
L’excès de procédures, d'activités administratives et règlementaires contribue à détourner l’énergie et les compétences-clés des salariés.
Des managers intermédiaires particulièrement chahutés
Les managers de proximité ne sont pas en reste. Ce malaise dans l'encadrement intermédiaire si bien décrit par Isabelle Barth, Professeure des universités en management et Conférencière, a été amplifié par la crise sanitaire avec des problématiques nouvelles auxquelles ils n’étaient pas préparés, comme la gestion de la distance physique et temporelle, l’usure physique et psychologique de leurs collaborateurs, et la montée en puissance de l’affectif et des peurs. Se sont invitées des problématiques personnelles, comme la garde des enfants, les congés maladie, ou l’assistance à une parent proche.
Les managers ont dû développer en situation d'incertitude, d’inquiétude, et "sur le tas", une posture de facilitation, d’expérimentation, de réassurance, de maintien du lien à distance, et d’accompagnement de leurs collaborateurs. Ça fait beaucoup.
Le nouveau challenge des entreprises
Les entreprises concernées par ce phénomène n’ont d’autre choix que de prendre en compte cette contagion de salariés volatiles. Le contrer nécessite de proposer un mélange subtil de structure et de flexibilité.
Par ailleurs définir une stratégie visant à retenir leurs meilleurs collaborateurs représente un véritable enjeu, et la mise en place d’une politique de rétention des salariés parait désormais incontournable. Il sera également nécessaire de porter une vigilance accrue sur les jeunes générations qui restent plus libres de switcher d’emploi.
Réengager et remobiliser les salariés représente donc un enjeu majeur. Mais plus encore, il est fondamental de remobiliser le collectif. L’individualisation de la société, phénomène antérieur à l’épisode Covid-19, a été considérablement renforcée avec la crise sanitaire. Dès lors il s’agira de reconstruire un collectif sans étouffer l’individualisation, quel défi !
Le grand virage managérial
Le management de demain ne pourra pas se calquer sur le modèle précédent. Les projections communément admises démontrent l’intérêt de mettre en place une hybridation et un décloisonnement des espaces privés et professionnels. Répondre aux défis et à la complexité des temps actuels nécessite de faire évoluer les codes du leadership.
Voici un panorama des bonnes pratiques managériales sur lequel il nous parait judicieux de se pencher. Il vous permettra d’avoir tous les atouts pour réussir dans le monde post-Covid. La mise en œuvre des ajustements nécessitera des qualités novatrices et une belle ouverture d’esprit, mais la réussite est au bout !
⤅ Instaurez un climat de confiance et une sécurité psychologique, pour qu’il soit possible de parler de ses difficultés sans être critiqué ou sanctionné. Cela vous permettra de rester en lien avec vos collaborateurs et le cas échéant de "sentir le vent tourner".
⤅ Clarifiez les règles de décision, et assurez-vous qu’elles sont comprises. Intégrez les collaborateurs aux prises de décision quand c’est possible.
⤅ Distribuez la parole et veillez à faciliter les propos de ceux qui s’expriment peu.
⤅ Acceptez la controverse. Gardez à l’esprit qu’un collectif en bonne santé comporte toujours un fond de désaccords.
⤅ Organisez la distance physique et temporelle en posant des règles claires et cohérentes (par ex. donnez le lead de l’animation à tour de rôle à différents collaborateurs pour les réunions en ligne). Evitez à tout prix les ambiguïtés et les passe-droits.
⤅ Relancez une dynamique en confiant de nouvelles tâches. Même si la peur, le repli sur soi ou l’esprit conservateur peuvent provoquer des résistances, de nouveaux objectifs sont inspirants et mobilisateurs. Cela permettra à chacun de trouver de la satisfaction, de s’impliquer dans de nouvelles missions et ainsi de se décentrer par rapport à soi.
⤅ Adoptez un style de management mobile, solide et soutenant. Faites preuve à la fois d’empathie et de pédagogie pour expliquer les enjeux. En encourageant vos collaborateurs, vous détecterez plus vite les signes d’épuisement professionnel et pourrez anticiper des solutions d’accompagnement interne (RPS, entretien de mobilité, rendez-vous RH, médecine du travail) ou externes (formation, bilan de compétences, coaching, accompagnement médical ou psychologique).
⤅ Privilégiez les échanges humains aux mails dès que possible. Un coup de fil ou un moment d’échange individuel en visio permet de transmettre les informations plus informelles et de rester en lien avec la personne. Profitez-en pour donner un feedback personnalisé.
⤅ Insistez pour que les participants aux réunions en visio allument leur caméra. Voir l’autre a un impact sur la qualité du lien et de la relation, ainsi que sur la qualité de l’échange en intégrant la dimension non-verbale. Ce point peut paraitre anecdotique, il est en fait crucial pour pérenniser et professionnaliser le mode hybride. Certes des problématiques de bande passante peuvent jouer les trouble-fêtes et certains peuvent se montrer réticents à montrer leur intérieur. Gérez les difficultés au cas par cas, cherchez des solutions ensemble (tel que le floutage de l’arrière-plan par exemple). De votre côté optez pour une plateforme performante. Le temps est venu de passer du mode bricolage à la professionnalisation.
⤅ Limitez autant que possible le contrôle, et bannissez les tableaux de bord listant les actions heure par heure. Contrairement aux anglo-saxons, les managers français ont une culture du contrôle et du présentéisme, et ils relient souvent le fait d’être efficace avec celui d’être présent au bureau. Pourtant nous l’avons tous constaté ces derniers mois : il est possible d’être hyper productif chez soi. Montrez-vous juste et authentique en valorisant les efforts de vos collaborateurs. Les salariés aspirent à ce qu’on leur fasse confiance. Ils percevront une augmentation de leur autonomie comme un signe de reconnaissance.
⤅ Amplifiez l’esprit d’équipe et la cohésion. Recréez une culture commune sur de nouvelles bases et instaurez de nouvelles relations au travail. Facile à dire, objecterez-vous… Pourquoi pas en développant de nouvelles initiatives, des alliances, des efforts solidaires ? Pensez également à instaurer des rituels, ils sont indispensables pour construire un collectif soudé.
⤅ Cultivez l’informel et les rendez-vous conviviaux, prenez soin des membres de l’équipe en organisant des réunions-balades, des rencontres autour d’un sport, des sessions découvertes ou d’apprentissage en lien avec un projet, un escape game pour relancer la dynamique du groupe. Montrez-vous inventif, lancez votre équipe sur la recherche d’idées, ajoutez-y une pincée de challenge, et gardez à l’esprit que rire ensemble est un formidable ingrédient pour cimenter les relations.
⤅ Profitez des moments en présentiel pour injecter de l’énergie pour les périodes en distanciel.
⤅ Adoptez des habitudes managériales exemplaires. Certaines organisations en ont compris tout l’intérêt et font glisser progressivement le rôle de manager vers une mission de leader coach. Cela passe souvent par un accompagnement à la professionnalisation via un coaching, ou encore une formation pratique permettant de renforcer ses compétences relationnelles. Des formations de Manager coach sont également dispensées par certains organismes de formation.
⤅ Last but not least, insufflez de l’enthousiasme !
Gérer le défi et faire face à l’urgence
Manager dans un contexte post-Covid représente un enjeu important et un véritable challenge, parfois sous-estimé. L’initiation d’une stratégie de rétention des salariés est urgente si l’on veut éviter de faire les frais de la Grande Démission.
Vous pouvez faire appel au concours d’un partenaire extérieur qui fera un diagnostic et sera force de proposition. Selon vos besoins, il pourra vous proposer un accompagnement collectif permettant d’accélérer la transformation et d’intégrer votre équipe dans la recherche de solutions, ou plus ponctuellement une cohésion d’équipe pour renforcer le plaisir à travailler ensemble.